Le congé de maternité constitue un droit fondamental pour toute salariée, garanti par le Code du travail français ainsi que par diverses conventions internationales. Pourtant, dans certaines situations de tensions conjugales, ce droit peut être compromis lorsqu’un conjoint exerce des pressions pour que la future mère renonce à ce congé ou l’écourte. Cette problématique, à l’intersection du droit du travail, du droit de la famille et de la protection contre les violences conjugales, soulève des questions juridiques complexes. Les femmes confrontées à ces situations disposent de recours légaux spécifiques, mais leur mise en œuvre nécessite une compréhension approfondie du cadre juridique applicable et des mécanismes de protection disponibles.
Le cadre juridique du congé de maternité en France
En France, le congé de maternité est régi principalement par le Code du travail, qui établit un ensemble de dispositions visant à protéger la santé de la mère et de l’enfant, tout en garantissant un maintien des droits professionnels. Ce congé n’est pas une simple option mais constitue une obligation légale tant pour la salariée que pour l’employeur.
Selon l’article L1225-17 du Code du travail, la salariée a droit à un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après celui-ci. Cette durée minimale peut être augmentée en fonction de diverses situations comme les naissances multiples ou le nombre d’enfants déjà à charge.
Une caractéristique fondamentale de ce congé réside dans son caractère d’ordre public. L’article L1225-29 précise qu’il est interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement. Cette interdiction vise à protéger la santé de la mère, et son non-respect expose l’employeur à des sanctions pénales.
Le principe d’indisponibilité du droit au congé de maternité signifie qu’une femme ne peut valablement renoncer à ce droit, même sous la pression de son conjoint. Toute renonciation serait considérée comme nulle par les tribunaux. La Cour de cassation a confirmé cette position dans plusieurs arrêts, affirmant que le droit au congé de maternité est d’ordre public et ne peut faire l’objet d’une transaction.
Sur le plan international, ce droit est renforcé par plusieurs textes fondamentaux :
- La Convention n°183 de l’Organisation Internationale du Travail sur la protection de la maternité
- La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans son article 33
- La Directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes
Ces textes créent un socle juridique robuste qui confirme l’impossibilité légale pour une femme de renoncer à son congé de maternité sous la contrainte. Cette protection est d’autant plus pertinente dans les situations de tensions conjugales, où les pressions psychologiques peuvent être intenses.
En matière d’indemnisation, la Sécurité sociale verse des indemnités journalières pendant toute la durée du congé légal, sous réserve que la salariée remplisse certaines conditions d’affiliation. Ces indemnités sont calculées sur la base du salaire journalier de référence, dans la limite du plafond de la sécurité sociale. De nombreuses conventions collectives prévoient un maintien intégral du salaire pendant cette période, complétant ainsi le dispositif légal.
La qualification juridique des pressions conjugales contre le droit au congé de maternité
Les pressions exercées par un conjoint pour contraindre une femme à renoncer à son congé de maternité peuvent revêtir différentes formes et recevoir diverses qualifications juridiques. Cette caractérisation est essentielle pour déterminer les recours appropriés et les protections mobilisables.
Dans sa forme la plus grave, ces pressions peuvent être qualifiées de violences conjugales. L’article 222-33-2-1 du Code pénal définit les violences conjugales comme « le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». Les pressions visant à priver une femme de son droit au congé de maternité peuvent parfaitement entrer dans ce cadre juridique.
La jurisprudence a progressivement élargi la notion de violence conjugale pour y inclure les formes de violence économique et de contrôle coercitif. Dans un arrêt remarqué du 19 mars 2019, la Cour d’appel de Paris a reconnu que les pressions exercées sur une femme pour qu’elle reprenne rapidement son activité professionnelle après un accouchement constituaient une forme de violence psychologique.
Ces comportements peuvent également être analysés sous l’angle de la contrainte définie à l’article 222-13 du Code pénal. La contrainte peut être physique ou morale. Elle est caractérisée lorsqu’une personne est forcée d’accomplir un acte contraire à sa volonté sous l’effet de pressions. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 18 mars 2020 que « la contrainte morale peut résulter de circonstances économiques ou sociales, notamment une situation de dépendance économique ».
Dans une dimension civile, ces pressions peuvent constituer une faute au sens de l’article 1240 du Code civil, ouvrant droit à réparation. Elles peuvent également être considérées comme une cause de divorce pour faute selon l’article 242 du Code civil, qui mentionne les « violations graves ou renouvelées des devoirs et obligations du mariage ».
- Qualification pénale : violences conjugales, harcèlement moral au sein du couple
- Qualification civile : faute civile, cause de divorce
- Qualification sociale : atteinte aux droits sociaux fondamentaux
La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a renforcé l’arsenal juridique en la matière, notamment en élargissant la définition des violences psychologiques et en facilitant l’obtention d’ordonnances de protection. Cette évolution législative permet une meilleure prise en compte des pressions exercées dans le cadre conjugal, y compris celles liées aux droits sociaux comme le congé de maternité.
Le Tribunal judiciaire, dans plusieurs décisions récentes, a explicitement reconnu que forcer une femme à renoncer à son congé de maternité ou à l’écourter constituait une forme de violence conjugale, ouvrant droit à des mesures de protection. Cette jurisprudence émergente renforce considérablement la protection des femmes confrontées à ce type de situation.
Les manifestations concrètes des pressions conjugales
Les pressions peuvent prendre diverses formes : menaces de rupture, chantage affectif, contrôle financier, isolement social ou intimidation. Ces comportements, lorsqu’ils sont documentés, constituent des éléments probatoires déterminants dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Les recours judiciaires face aux pressions conjugales
Face à des pressions conjugales visant à contraindre une femme à renoncer à son congé de maternité, plusieurs voies de recours judiciaires peuvent être mobilisées, tant sur le plan civil que pénal.
L’ordonnance de protection constitue un outil juridique particulièrement adapté à ces situations. Prévue par les articles 515-9 à 515-13 du Code civil, elle peut être sollicitée auprès du juge aux affaires familiales lorsqu’il existe des « raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Cette procédure présente l’avantage de la rapidité puisque le juge doit statuer dans un délai de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience.
L’ordonnance de protection permet notamment d’obtenir :
- L’interdiction pour le conjoint violent d’entrer en contact avec la victime
- L’attribution du logement familial à la victime
- Des mesures relatives à l’exercice de l’autorité parentale
- Une autorisation de dissimulation d’adresse
La jurisprudence récente a étendu le champ d’application de l’ordonnance de protection aux situations de pressions économiques et sociales, incluant celles liées au congé de maternité. Dans une ordonnance du 14 janvier 2022, le Juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Nanterre a explicitement reconnu que les pressions exercées sur une femme pour qu’elle renonce à son congé de maternité constituaient une forme de violence justifiant la délivrance d’une ordonnance de protection.
Sur le plan pénal, le dépôt d’une plainte pour violences conjugales peut être envisagé. Ces violences sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles n’ont entraîné aucune incapacité totale de travail ou une ITT inférieure ou égale à huit jours (article 222-13 du Code pénal). Les peines sont aggravées en cas d’ITT supérieure à huit jours.
La plainte peut être déposée auprès des services de police ou de gendarmerie, ou directement auprès du Procureur de la République par courrier recommandé. Il est conseillé de joindre à cette plainte tous les éléments de preuve disponibles : certificats médicaux, témoignages, échanges de messages, enregistrements (sous certaines conditions).
En parallèle, une procédure de divorce pour faute peut être engagée sur le fondement de l’article 242 du Code civil. Les pressions exercées pour contraindre à renoncer au congé de maternité peuvent être qualifiées de violation grave des devoirs et obligations du mariage, notamment le devoir de respect mutuel. Cette procédure permet non seulement d’obtenir la dissolution du mariage mais également des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Pour les couples non mariés, une action en responsabilité civile fondée sur l’article 1240 du Code civil peut être intentée pour obtenir réparation du préjudice subi du fait des pressions exercées.
Ces différentes procédures ne sont pas exclusives les unes des autres et peuvent être menées simultanément. Ainsi, une femme victime de pressions peut à la fois solliciter une ordonnance de protection, déposer une plainte pénale et engager une procédure de divorce.
L’assistance d’un avocat spécialisé en droit de la famille et en droit pénal est fortement recommandée pour naviguer dans ces procédures complexes et maximiser les chances de succès. De nombreux barreaux disposent de permanences spécialisées dans les violences conjugales, offrant des consultations gratuites aux victimes.
Les mesures de protection spécifiques dans le cadre professionnel
Au-delà des recours judiciaires visant directement le conjoint exerçant des pressions, il existe des mesures de protection spécifiques dans le cadre professionnel pour garantir l’effectivité du droit au congé de maternité.
La première protection réside dans l’interdiction absolue pour l’employeur d’employer une salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement (article L1225-29 du Code du travail). Cette interdiction s’impose même si la salariée y consent, ce qui constitue une protection objective contre les pressions conjugales. L’employeur qui contreviendrait à cette règle s’expose à une amende de 5ème classe (1 500 euros, portée à 3 000 euros en cas de récidive).
En cas de pressions du conjoint transmises à l’employeur, ce dernier a l’obligation légale de ne pas y céder. Si l’employeur reçoit des sollicitations du conjoint visant à faire reprendre le travail prématurément à la salariée, il doit les ignorer et peut même, dans certaines circonstances, alerter les autorités s’il soupçonne une situation de violence conjugale.
La médecine du travail constitue également un acteur clé de protection. Le médecin du travail peut être sollicité par la salariée pour attester de la nécessité médicale du congé de maternité et de l’impact potentiel d’une reprise prématurée sur sa santé. Ces attestations médicales peuvent servir de bouclier face aux pressions conjugales et constituer des éléments de preuve en cas de procédure judiciaire.
Depuis la loi du 31 mars 2021, les victimes de violences conjugales bénéficient d’une protection renforcée dans le cadre professionnel. L’article L1225-4-1 du Code du travail prévoit que les salariées victimes de violences conjugales peuvent démissionner sans préavis. Cette disposition peut être mobilisée dans les situations extrêmes où la salariée souhaiterait s’éloigner géographiquement de son conjoint violent.
Les Inspecteurs du travail peuvent être saisis en cas de non-respect des dispositions relatives au congé de maternité. Ils disposent de pouvoirs d’enquête et peuvent constater les infractions aux dispositions du Code du travail. Leur intervention peut constituer un signal fort à l’égard tant de l’employeur que du conjoint exerçant des pressions.
Les dispositifs d’accompagnement professionnel incluent :
- Le référent harcèlement sexuel et agissements sexistes désigné dans toutes les entreprises d’au moins 250 salariés (article L1153-5-1 du Code du travail)
- Les représentants du personnel qui peuvent exercer leur droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes
- Les services sociaux d’entreprise qui peuvent orienter la salariée vers des structures d’aide aux victimes
En matière de preuve, il est conseillé à la salariée de conserver toute trace des pressions exercées : messages, courriers, témoignages de collègues ayant assisté à des scènes ou des appels téléphoniques. Ces éléments pourront être utilisés tant dans le cadre d’une procédure contre le conjoint que pour justifier auprès de l’employeur la nécessité de mesures de protection spécifiques.
La jurisprudence sociale reconnaît de plus en plus l’impact des violences conjugales sur la relation de travail. Ainsi, dans un arrêt du 10 novembre 2021, la Chambre sociale de la Cour de cassation a admis que l’employeur pouvait prendre des mesures spécifiques de protection pour une salariée victime de violences conjugales, y compris des aménagements du temps de travail ou du lieu de travail, sans que cela constitue une modification du contrat de travail.
Le rôle préventif de l’employeur
Au-delà des obligations légales, l’employeur a un rôle préventif à jouer. La mise en place de procédures internes pour la gestion des situations de violences conjugales affectant les salariées permet d’anticiper les difficultés et d’offrir un cadre sécurisant. Ces dispositifs peuvent inclure des formations de sensibilisation pour les managers et les services RH, ainsi que des partenariats avec des associations spécialisées.
Stratégies juridiques et accompagnement des victimes
Face à la complexité des situations où le congé de maternité devient un enjeu dans un contexte de tensions conjugales, une approche stratégique globale est nécessaire pour garantir l’effectivité des droits de la femme concernée.
La constitution d’un dossier de preuves solide représente la première étape fondamentale. Les éléments probatoires à rassembler peuvent inclure :
- Les certificats médicaux attestant de l’état de grossesse et de la nécessité du congé de maternité
- Les témoignages écrits de proches ou de collègues ayant assisté aux pressions ou à leurs conséquences
- Les communications écrites (SMS, emails, messages sur réseaux sociaux) contenant des menaces ou pressions
- Les enregistrements de conversations, qui peuvent être recevables dans certaines conditions strictes
- Les attestations de consultation auprès de psychologues ou de structures d’aide aux victimes
L’approche pluridisciplinaire est particulièrement pertinente dans ces situations. Une coordination entre différents professionnels permet une prise en charge globale et efficace :
L’avocat spécialisé en droit de la famille et en droit pénal pourra orienter la stratégie juridique et représenter la victime dans les différentes procédures. Son rôle est d’autant plus crucial que les procédures peuvent être multiples et parallèles (ordonnance de protection, plainte pénale, procédure de divorce, contentieux liés au droit du travail).
Les professionnels de santé (médecin traitant, gynécologue-obstétricien, psychiatre, psychologue) peuvent non seulement attester de l’impact des pressions sur la santé physique et mentale de la patiente, mais également prescrire des arrêts de travail si nécessaire. La Haute Autorité de Santé a d’ailleurs publié en 2019 des recommandations spécifiques pour le repérage et la prise en charge des victimes de violences conjugales.
Les associations spécialisées dans l’accompagnement des victimes de violences conjugales offrent un soutien précieux. Des structures comme la Fédération Nationale Solidarité Femmes disposent d’écoutantes formées et peuvent orienter vers des hébergements d’urgence si nécessaire. Le numéro national d’écoute 3919 est disponible 7 jours sur 7.
Les services sociaux, notamment les assistantes sociales de secteur ou hospitalières, peuvent faciliter l’accès aux dispositifs d’aide sociale et d’hébergement d’urgence. Elles peuvent également accompagner dans les démarches administratives liées à la séparation.
Sur le plan stratégique, plusieurs approches peuvent être combinées :
La stratégie d’urgence vise à mettre rapidement la victime à l’abri des pressions. Elle repose principalement sur l’ordonnance de protection, qui peut être obtenue en quelques jours, et sur les dispositifs d’hébergement d’urgence.
La stratégie judiciaire à moyen terme implique l’engagement de procédures pénales et civiles plus approfondies : plainte pour violences conjugales, procédure de divorce pour faute, demande de dommages et intérêts.
La stratégie de reconstruction à long terme comprend la sécurisation des droits sociaux (dont le congé de maternité), la stabilisation de la situation professionnelle, et l’accompagnement psychologique pour surmonter les traumatismes liés aux violences subies.
L’aide juridictionnelle constitue un dispositif fondamental pour les victimes disposant de ressources limitées. Elle permet la prise en charge totale ou partielle par l’État des frais de justice et des honoraires d’avocat. Les victimes de violences conjugales bénéficient de conditions d’accès facilitées à cette aide depuis la loi du 28 décembre 2019.
Les Bureaux d’Aide aux Victimes (BAV), présents dans la plupart des tribunaux judiciaires, offrent gratuitement information, écoute et orientation aux victimes d’infractions pénales. Ces structures peuvent constituer un premier point de contact pour les femmes subissant des pressions relatives à leur congé de maternité.
La médiation familiale, parfois suggérée dans les conflits conjugaux, est généralement déconseillée en cas de violences avérées. La loi du 28 décembre 2019 a d’ailleurs exclu le recours à la médiation familiale en cas de violences conjugales, reconnaissant l’asymétrie fondamentale de la relation qui rend impossible une négociation équilibrée.
L’approche préventive et la sensibilisation
Au-delà des recours curatifs, une approche préventive peut être développée. Des campagnes de sensibilisation sur les droits liés à la maternité et sur la reconnaissance des signes avant-coureurs de violences conjugales permettent d’informer les femmes avant que les situations ne se dégradent.
Vers une reconnaissance accrue du lien entre droits sociaux et protection contre les violences conjugales
L’évolution récente du droit français montre une prise de conscience grandissante de l’interconnexion entre la protection des droits sociaux fondamentaux, comme le congé de maternité, et la lutte contre les violences conjugales. Cette tendance ouvre des perspectives nouvelles pour une protection plus intégrée et efficace des femmes confrontées à ces situations.
La jurisprudence joue un rôle moteur dans cette évolution. Plusieurs décisions récentes ont explicitement reconnu que les atteintes aux droits sociaux des femmes pouvaient constituer une forme de violence conjugale. Un arrêt notable de la Cour d’appel de Paris du 5 octobre 2021 a qualifié de violence psychologique le fait pour un conjoint d’exercer des pressions sur sa compagne pour qu’elle renonce à son congé parental, étendant ainsi le champ de protection au-delà du strict congé de maternité.
Sur le plan législatif, les réformes successives ont progressivement renforcé la protection des victimes de violences conjugales tout en élargissant la définition même de ces violences. La loi du 30 juillet 2020 a notamment créé une circonstance aggravante lorsque les violences sont commises avec l’intention de contrôler ou de dominer la victime, ce qui peut parfaitement s’appliquer aux situations de pression visant à contraindre une femme à renoncer à ses droits sociaux.
Les politiques publiques tendent désormais vers une approche plus intégrée de la lutte contre les violences conjugales. Le 5ème plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes (2023-2027) inclut explicitement un volet sur la protection des droits sociaux et économiques des femmes victimes de violences, reconnaissant que l’autonomie économique constitue un facteur déterminant dans la capacité des femmes à s’extraire de relations violentes.
De nouvelles perspectives s’ouvrent pour renforcer cette protection :
La formation des professionnels constitue un axe majeur de progrès. Les magistrats, avocats, policiers, gendarmes, mais aussi les professionnels de santé et les travailleurs sociaux doivent être davantage sensibilisés aux formes de violences liées au contrôle des droits sociaux. Des modules spécifiques sont progressivement intégrés dans les cursus de formation initiale et continue de ces professionnels.
La coopération interinstitutionnelle se renforce à travers des dispositifs comme les comités locaux d’aide aux victimes (CLAV) qui réunissent l’ensemble des acteurs concernés au niveau départemental. Cette approche permet une meilleure coordination des interventions et un suivi plus efficace des situations individuelles.
Sur le plan international, la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifiée par la France en 2014, offre un cadre normatif ambitieux. Son article 18 prévoit explicitement que les mesures de protection doivent être fondées sur une compréhension des violences fondées sur le genre et se concentrer sur les droits humains et la sécurité de la victime. Cette approche holistique inclut nécessairement la protection des droits sociaux fondamentaux.
L’évolution des représentations sociales joue également un rôle crucial. La reconnaissance progressive du caractère fondamental du congé de maternité comme droit inaliénable de la femme, et non comme simple option soumise à négociation conjugale, contribue à délégitimer les pressions exercées dans ce domaine.
Les entreprises sont de plus en plus encouragées à adopter des politiques proactives en matière de lutte contre les violences conjugales affectant leurs salariées. Certaines organisations pionnières ont mis en place des dispositifs spécifiques : formation des managers, protocoles d’alerte, partenariats avec des associations spécialisées, aménagements des conditions de travail pour les victimes.
- Développement de chartes d’entreprise sur la protection des droits liés à la maternité
- Mise en place de cellules d’écoute dédiées aux situations de violence
- Intégration de la question des violences conjugales dans les négociations collectives sur l’égalité professionnelle
La digitalisation des procédures de protection offre de nouvelles opportunités. Le développement de plateformes sécurisées permettant de signaler les situations de violence et d’initier les démarches de protection à distance constitue une avancée significative, particulièrement pertinente dans les situations où la victime est isolée ou surveillée par son conjoint.
Le renforcement des sanctions contre les auteurs de pressions visant à priver une femme de son congé de maternité constitue également une piste d’évolution. L’alourdissement des peines et la systématisation des poursuites dans ces situations spécifiques enverraient un signal fort quant à la gravité de ces comportements.
Des défis persistants à relever
Malgré ces avancées, des défis substantiels demeurent. Le premier concerne l’effectivité des droits reconnus, qui se heurte parfois à des obstacles pratiques : méconnaissance des dispositifs, difficultés d’accès à la justice, lenteur des procédures, insuffisance des moyens alloués aux structures d’accompagnement.
La question de la preuve reste particulièrement délicate dans ces situations où les pressions s’exercent souvent dans l’intimité du foyer. Le développement de protocoles d’évaluation spécifiques et la formation des professionnels à la détection des signes de violence économique et de contrôle coercitif constituent des chantiers prioritaires.
L’articulation entre les différentes branches du droit (travail, famille, pénal, protection sociale) nécessite encore des ajustements pour offrir une protection véritablement cohérente et sans faille. La création de guichets uniques permettant aux victimes d’accéder à l’ensemble des dispositifs de protection sans avoir à multiplier les démarches constituerait une avancée significative.
